Dans cette contribution, nous abordons l'étendue de la protection du droit des marques et des noms commerciaux dans le contexte d'un arrêt[1] de la Cour d'appel d'Anvers. Une entreprise qui dépose une marque à caractère descriptif afin de s'approprier un terme générique court un grand risque se faire avoir.
Droit des marques
Le droit des marques peut être défini comme un droit de monopole temporaire du propriétaire d'une marque, non seulement pour l’utilisation exclusive de cette marque, mais également pour interdire[2] à d’autres de l'utiliser. Une marque est un signe qui peut prendre différentes formes telles que des mots, des slogans, des images, etc[3] que les entreprises utilisent pour se positionner sur le marché. Une enseigne permet aux consommateurs de distinguer les produits et services de différentes entreprises.
La simple utilisation d'une marque ne confère aucune protection à une entreprise. Ce n'est que lorsqu'une marque est enregistrée avec succès auprès de l'autorité compétente que le propriétaire d'une marque est en mesure de revendiquer tous les droits associés.[4]
En ce qui concerne les droits attachés à une marque, il faut se référer à l'article 2.20 de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (ci-après : CBPI).
Article 2.20 CBPI - Droits attachés à la marque
"1. L'enregistrement d'une marque visé à l'article 2.2 confère à son titulaire un droit exclusif sur celle-ci.
2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité de la marque enregistrée, et sans préjudice de l'application éventuelle du droit commun en matière de responsabilité civile, le titulaire de ladite marque enregistrée est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage d’un signe lorsque :a. le signe est identique à la marque et est utilisé dans la vie des affaires pour des produits ou services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée".
Afin d'établir une infraction à l'article 2.20(a) du CBPI, la preuve de la double identité doit être apportée. (1) Le signe contesté doit être identique à la marque invoquée par le titulaire, et (2) l'identité entre les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée doit être identique.
La Cour de justice souligne que, dans ce cas, il est permis aux juridictions de faire abstraction des différences si insignifiantes qui échappent à l’attention du consommateur moyen.[5] Le signe "poetsbureau" étant clairement différent de la marque verbale "HET POETSBUREAU", la Cour d'appel a décidé qu'il n'y avait pas de violation de l'article 2.20.a) du CBPI.
S'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public entre le signe contesté et la marque pour des produits ou services identiques, le titulaire de la marque a la possibilité de faire valoir son droit de marque devant le tribunal sur la base de l'article 2.20 (b) du CBPI.
Article 2.20 CBPI - Droits attachés à la marque
"(...)
b. le signe est identique ou similaire à la marque et est utilisé dans la vie des affaires, pour des produits ou des services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion; le risque de confusion comprend le risque d’association entre le signe et la marque "Selon le jugement, il n'y avait pas de risque de confusion puisque l'usage ordinaire du terme "poetsbureau" et la marque figurative "HET POETSBUREAU" - accompagnée d'une image - sont complètement différents et ne risquent donc pas de créer une confusion chez le consommateur. En outre, il n'y a pas de risque de confusion entre le terme "poetsbureau" et la marque verbale "HET POETSBUREAU" car le terme "poetsbureau" est un terme communément utilisé dans le langage des prestataires de services domestiques. Les deux parties sont actives dans le domaine de l'aide domestique et le terme "poetsbureau" est donc purement descriptif.[6]
Le nom commercial
Une marque ne doit pas être confondue avec un nom commercial. Le nom commercial est un nom qu'une entreprise utilise dans le processus économique. Il s'agit du nom sous lequel l'entreprise exerce ses activités. L'enregistrement d'un nom commercial auprès de la Banque-Carrefour des Entreprises n'est pas suffisant pour la protection du nom commercial. Le droit d'utiliser un nom commercial naît dès que ce nom est effectivement utilisé dans le commerce et se fonde sur l'article 8 de la Convention de Paris.[7]
Le nom commercial n'offre une protection contre l'utilisation d'un nom commercial plus récent identique ou similaire que s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du grand public dans la zone géographique où le nom commercial plus ancien est utilisé.
La Cour a jugé que le nom commercial "HET POETSBUREAU" est banal et n'induit pas en erreur le consommateur moyen. En outre, le nom commercial du concurrent en question est "Easylife" et n'est donc pas du tout identique au nom commercial "HET POETSBUREAU". Le concurrent utilise uniquement le signe (générique) "poetsbureau" sur son site web et dans ses messages publicitaires. Le titulaire du nom commercial "HET POETSBUREAU" n'est pas autorisé à s'approprier à titre privé le terme "poetsbureau" en ajoutant l'article "Le",ce qui signifie qu'il n'y a pas d'atteinte au nom commercial.[8]
Conclusion
L'arrêt de la Cour d'appel d'Anvers est un arrêt logique qui s'inscrit pleinement dans les principes fondamentaux du droit des marques selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. Une leçon importante[9] à tirer de cet arrêt est le danger qui se cache derrière un enregistrement de marque à caractère descriptif. L'appropriation privée d'un terme générique comporte les risques et le danger que la protection de votre marque enregistrée devienne une coquille vide. Il faut donc toujours demander de l'aide à des spécialistes.
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Sources légales :
Arrêt de la Cour d'appel d'Anvers, n° 2019/AR/1757, 25 novembre 2020.
CoJ 20 mars 2003, C-291/00, LTJ Diffusion, §53-54 ; CoJ 8 juillet 2010, C-558/08, Portakabin, §48.
[1] Arrêt de la Cour d'appel d'Anvers, n° 2019/AR/1757, 25 novembre 2020
[2] Voir l'article 2.20 du Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (CBPI)
[3] Voir l’article 2.1 CBPI
[4] Voir l’article 2.2 CBPI
[5] CJCE 20 mai 2003, C-291/00, LTJ Diffusion, §53-54 ; CJCE 8 juillet 2010, C-558/08, Portakabin, §48.
[6] Arrêt de la Cour d'appel d'Anvers, n° 2019/AR/1757, 25 novembre 2020
[7]https://economie.fgov.be/nl/themas/intellectuele-eigendom/intellectuele-eigendomsrechten/specifieke-beschermingsregimes/handelsnaam-en
[8] Arrêt de la Cour d'appel d'Anvers, n° 2019/AR/1757, 25 novembre 2020
[9] Anvers n° 2019/AR/1757, 25 novembre 2020, IRDI 2020, numéro 4, 326 ; NJW 2021, numéro 450, 773, note GEIREGAT, S.