LE DECRET SUR LES BAUX A FERME: UNE NOUVELLE ERE?
08 novembre 2023
#AGRICULTURE #BAUX #EQUILIBRE #PREEMPTION #RESILIATION

L’ancienne loi sur les baux à ferme de 1969[1] avait besoin d’être mise à jour. C’est pourquoi, en 2022,  une proposition de décret flamand sur les baux à ferme[2] a été prévue. Cette proposition est tournée vers l’avenir et crée un juste équilibre entre les droits et obligations des propriétaires et des preneurs. Le 4 octobre 2023,  la proposition a été adoptée par le gouvernement flamand et le nouveau décret est entré en vigueur le 1er novembre 2023. Dans cet article, vous découvrirez les 3 innovations les plus importantes.

Qu’est-ce qu’un bail à ferme ?

Le bail à ferme est un type particulier de location de biens immobiliers ( c’est-à-dire de terrains ou de biens immobiliers), généralement à des fins agricoles. Jusqu’à récemment, ce bail était régi par la loi sur le bail à ferme du 4 novembre 1969. Cependant, après plus d’un demi-siècle, la loi sur le bail à ferme ne répond plus aux besoins sociaux actuels..

Avec la 6ème réforme de l’état de 2014, la compétence en matière locative a été transférée du niveau fédéral au niveau régional. A l’instar de la Région wallonne[3], il existe désormais un décret flamand sur le bail à ferme modernisé.[4]

Innovations clés

  1. Contrat écrit

La principale innovation est sans aucun doute que les baux écrits deviennent la norme. Sous l’ancienne loi, les contrats écrits étaient déjà obligatoires, mais le non-respect de cette obligation n'était pas sanctionné. Par conséquent, à l'heure actuelle, de nombreux baux sont encore oraux, ce qui génère beaucoup d'incertitude tant pour les preneurs que pour les propriétaires.[5]

Les nouveaux baux doivent être rédigés par écrit. Les contrats de location oraux actuels resteront valables, mais devront être convertis à la demande d'une des parties. Le gouvernement flamand fournira des modèles de contrats de bail.

Contrairement à la loi sur le bail à ferme, le décret flamand sur le bail à ferme prévoit un mécanisme de sanction. Si le preneur refuse la conversion, le propriétaire peut, après mise en demeure du preneur, demander au juge de paix la résiliation du bail. Si après une mise en demeure, le propriétaire refuse la conversion, le preneur peut demander au juge de paix le renouvellement du bail en sa faveur.[6]

Si les parties conviennent de la conversion en un accord écrit, mais qu’une discussion survient sur le contenu de l’accord, les parties auront recours aux règles de preuve de droit commun. Les modalités et conditions convenues oralement peuvent être prouvées par tous les moyens légaux (lire : également les présomptions et les témoins).

  1. Prolongation des options de résiliation du propriétaire

En vertu de l’ancienne loi sur les baux, le propriétaire pouvait résilier le contrat de bail de différentes manières afin d’utiliser les biens loués conformément à leur destination finale, sous réserve du respect de certaines conditions. Par exemple, le propriétaire pouvait résilier le contrat de bail si, au début du bail, le terrain loué devait être considéré comme un terrain à bâtir et que le contrat de bail à ferme[7] le prévoyait comme tel.  Le décret flamand sur le bail à ferme confirme ces possibilités de résiliation.

La résiliation après le départ à la retraite est également maintenue, mais légèrement modifiée. Elle permet au propriétaire de résilier le bail lorsque le preneur prend sa retraite et ne désigne pas de successeur. En vertu de l’ancienne loi, la résiliation après le départ à la retraite était  purement théorique. En effet, la charge de la preuve du départ à la retraite du preneur incombait au propriétaire. En outre, la désignation d'un successeur pouvait traîner en longueur.[8]

Le décret flamand sur le bail à ferme renverse la charge de la preuve. À partir de l'âge légal de la retraite, le preneur doit prouver, à la demande du propriétaire, dans un délai de 60 jours, qu’il ne perçoit pas encore de pension afin de conserver le bail. Si un successeur a été désigné, il doit, en principe, poursuivre ses activités dans un délai d'un an. Le renversement de la charge de la preuve devrait donner aux jeunes agriculteurs davantage de possibilités d'acquérir des terres agricoles. Toutefois, des mesures d’atténuations ont été prévues dans le décret. Ainsi, selon les cas et dans des circonstances particulières (par exemple, le locataire souffre de problèmes de santé ou le successeur n’a pas achevé sa formation professionnelle), le juge peut encore déclarer la résiliation invalide.[9]

D'autres possibilités de résiliation pour le propriétaire sont également prévues.

Ainsi, le propriétaire peut résilier le bail au bout de 18 ans pour disposer du bien sans de loyer par le biais d'une vente ou d'une donation. Cette possibilité de résiliation doit toutefois figurer expressément dans le bail.[10]  Le propriétaire est alors tenu de disposer effectivement du bien dans un délai d'un an.

Si le propriétaire ne fait pas usage de cette faculté de résiliation après 18 ans, cette faculté lui sera offerte tous les 9 ans.

Une possibilité de résiliation est également introduite pour les propriétaires privés en vue d'un boisement ou d'une mise en valeur de la nature. Pour les collectivités locales, une telle résiliation était déjà possible dans le cadre d'une résiliation pour motif d'intérêt général.[11]  Cette possibilité est toutefois soumise à des conditions strictes. Le propriétaire est notamment tenu de réaliser le boisement ou la nature dans un délai de trois ans et de l'entretenir pendant au moins 24 ans. Si le propriétaire ne s'exécute pas, le preneur a droit à une indemnité et peut réintégrer le bien immobilier.[12]

  1. Restriction des droits de préemption du preneur

Le locataire dispose d'un droit de préemption au cas où le propriétaire souhaiterait vendre le bien loué. Ce droit de préemption a été introduit afin d'assurer la continuité de l'utilisation du bien loué.[13]  En vertu de l’ancien droit de bail, le preneur peut soit exercer lui-même son droit de préemption et acheter le bien, soit le céder à un tiers sans que le propriétaire ne puisse s'y opposer.

Le décret flamand sur le bail à ferme donne plus de poids au propriétaire lorsque le preneur souhaite transférer son droit de préemption.

Si le propriétaire trouve lui-même un acheteur potentiel disposé à laisser le preneur actuel louer pour au moins 18 années supplémentaires aux mêmes conditions, cet acheteur potentiel devient un "acheteur sûr".[14]  Le preneur ne peut alors plus transférer son droit de préemption à un tiers.[15]

Si l'acheteur potentiel du propriétaire n'est pas disposé à le faire, le preneur peut encore transférer son droit de préemption à un tiers.

En outre, dans l'idée de créer davantage d'opportunités pour les jeunes agriculteurs, les titulaires de baux à la retraite ne bénéficieront plus de la préemption.[16]

Conclusion

Dans le cadre de l’ancienne loi sur le bail à ferme, les preneurs étaient bien protégés, mais il était difficile pour les jeunes agriculteurs d'obtenir un bien et le propriétaire était souvent impuissant.

Le décret flamand sur les baux vise à instaurer un meilleur équilibre entre le locataire et le propriétaire, à permettre une plus grande mobilité des terres et à créer davantage d'opportunités pour les jeunes agriculteurs.

Le décret flamand sur les baux est entré en vigueur le 1er novembre 2023 et s’applique également aux contrats conclus avant la date d’entrée en vigueur.

Pour plus d'informations sur le bail à ferme, veuillez contacter l'équipe de STUDIO LEGALE à l'adresse [email protected] ou au 03/216.70.70.

   

[1] Loi sur le bail à ferme, 4 novembre 1969, M.B, 25 novembre 1969, p. 11.304.

[2] Proposition de décret déterminant les règles spécifiques en matière de bail à ferme, Parl.St. Vl.Parl. 2022-23, nr. 1475/1.

[3] Décret du parlement wallon du 2 mai 2019 modifiant diverses législations en matière de bail à ferme, M.B., 8 novembre 2019, p. 104.322.

[4] V. GODART et F. ÖZSARLAK, “Het voorstel van Vlaams Pachtdecreet: eerste verkenning van het nieuwe Vlaamse landbouwschap”, Huur 2023/3, (115) 115.

[5] P. DE ROUCK, "Wat u moet weten over de gemoderniseerde pachtwet", De Tijd, 19 novembre 2022, 48.

[6] Proposition de décret déterminant les règles spécifiques en matière de bail à ferme, Parl.St. Vl.Parl. 2022-23, nr. 1475/1, pp. 7-8.

[7] Art. 6, §1, 1° Loi sur le bail à ferme du 4 novembre 1969, M.B., 25 novembre 1969, p. 11.304.

[8] P. DE ROUCK, "Wat u moet weten over de gemoderniseerde pachtwet", De Tijd, 19 novembre 2022, 48; V. GODART en F. ÖZSARLAK, “Het voorstel van Vlaams Pachtdecreet: eerste verkenning van het nieuwe Vlaamse landbouwschap”, Huur 2023/3, (115) 134.

[9] Proposition de décret déterminant les règles spécifiques en matière de bail à ferme, Parl.St. Vl.Parl. 2022-23, nr. 1475/1, p.12.

[10] Proposition de décret déterminant les règles spécifiques en matière de bail à ferme, Parl.St. Vl.Parl. 2022-23, nr. 1475/1, p.11

[11] Proposition de décret déterminant les règles spécifiques en matière de bail à ferme, Parl.St. Vl.Parl. 2022-23, nr. 1475/1, p.11

[12] Proposition de décret déterminant les règles spécifiques en matière de bail à ferme, Parl.St. Vl.Parl. 2022-23, nr. 1475/1, p. 46.

[13] V. GODART en F. ÖZSARLAK, “Het voorstel van Vlaams Pachtdecreet: eerste verkenning van het nieuwe Vlaamse landbouwschap”, Huur 2023/3, (115) 142.

[14] VILT (Vlaams infocentrum land- en tuinbouw), "Dit staat er in de nieuwe pachtwet", 16 novembre 2022, https://vilt.be/nl/nieuws/dit-staat-er-in-de-nieuwe-pachtwet.

[15] Proposition de décret déterminant les règles spécifiques en matière de bail à ferme, Parl.St. Vl.Parl. 2022-23, nr. 1475/1, pp.25-26.

[16] VILT (Vlaams infocentrum land- en tuinbouw), "Dit staat er in de nieuwe pachtwet", 16 novembre 2022, https://vilt.be/nl/nieuws/dit-staat-er-in-de-nieuwe-pachtwet.