Mois : janvier 2024
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Pour éviter que chacun n’exerce son droit de propriété sans tenir compte de l’autre, la doctrine des nuisances excessives entre voisin a été élaborée. Il n’en reste pas moins que les voisins devront tolérer les nuisances ordinaires de la vie en commun de l’un à l’autre.

Depuis l’arrivée du Livre 3 du nouveau Code civil, la doctrine est consacrée par la loi, notamment dans les articles 3.101 et 3.102 du Code civil. L’article 3.101, §1er alinéa du Code civil dispose : « Les propriétaires voisins ont chacun un droit à l’usage et à la jouissance de leur bien immeuble. Dans l’exercice de l’usage et de la jouissance, chacun d’eux respecte l’équilibre établi en ne causant pas à son voisin un trouble qui excède la mesure des inconvénients normaux du voisinage et qui lui est imputable ».

Il existe théorie de l’équilibre, dans laquelle on utilise le régime de la responsabilité sans faute. En d’autres termes, les nuisances excessives doivent résulter des actes ou des omissions du voisin, sans qu’une faute soit requise.

En outre, il doit y avoir un voisinage entre la parcelle qui cause les nuisances et celle qui les provoque. Ils ne doivent pas être adjacents mais se trouver à proximité les uns des autres. Ni le demandeur ni le défendeur, dans le cadre d’une action pour troubles de voisinage, ne doivent avoir de titre de propriété sur les parcelles. Un droit réel ou un droit personnel sur un attribut du droit de propriété suffit (article 3.101, §3 CC).

Enfin, il doit s’agir de nuisances excessives. A défaut, il n’y a pas de déséquilibre entre les propriétés voisines. Le législateur a dressé une liste non exhaustive d’éléments que le juge peut prendre en compte pour apprécier le caractère excessif de la nuisance : le moment, la fréquence et l’intensité du trouble, la préoccupation ou la destination publique du bien immeuble d’où le trouble causé provient (article 3.101, §1er, alinéa 2 du Code civil). Surtout, le tribunal devra tenir compte des circonstances particulières de l’affaire.

Il est important que les juges de paix fixent effectivement des limites à l’exigence de la nuisance Cette exigence permet d’éviter que tous les voisins aigris se présentent devant le tribunal.

Le juge de paix d’Eeklo défend ce principe et critique les voisins aigris.  Le 20 mai 2021, il a jugé que l’équilibre entre deux parcelles n’était pas rompu lorsque plusieurs nids d’hirondelles étaient suspendus sous les gouttières d’une maison voisine. Le plaignant invoquait des troubles de voisinage excessifs parce que les hirondelles survolent leur parcelle et que les oiseaux font parfois leurs besoins. Le juge de paix a estimé que les nuisances connues dues au survol des hirondelles étaient « nulles ». Il a déclaré : « On ne peut pas éviter qu’il y ait de temps en temps des fientes d’oiseaux dans leur cour. Il n’y a tout simplement pas de directives ou de règlements à ce sujet pour les créatures volantes ». Il conclut que le problème n’est pas la présence des hirondelles, mais l’intolérance des personnes vivant à proximité.

Si le juge de paix constate que l’équilibre est effectivement rompu, une réparation  doit être accordée. L’action pour troubles de voisinage constitue une réparation légale et appropriée qui rétablit l’équilibre. Seule la nuisance excessive est indemnisée. Le tribunal décide laquelle des mesures suivantes est appropriée (article 3.101, §2 CC) :

– une indemnité pécuniaire pour compenser le trouble excessif ;

– une indemnité pour les coûts liés aux mesures compensatoires prises quant à l’immeuble troublé pour ramener le trouble à un niveau normal ;

– pour autant que cela ne crée pas un nouveau déséquilibre et que l’usage et la jouissance normaux de l’immeuble ne soient pas ainsi exclus, l’interdiction du trouble rompant l’équilibre ou des mesures, concernant l’immeuble causant le trouble, pour ramener le trouble à un niveau normal.

En outre, l’article 3.102 du Code civil permet également d’introduire cette demande par prévention, ce qui permet d’éviter tout déséquilibre. L’article 3.102 BW est libellé comme suit :

« Si un bien immeuble occasionne des risques graves et manifeste en matière de sécurité, de santé ou de pollution à l’égard d’un bien immeuble voisin, rompant ainsi l’équilibre entre les biens immeubles, le propriétaire ou l’occupant de cde bien immeuble voisin peut demander en justice que des mesures préventives soient prises afin d’empêcher que le risque se réalise »

L’action ne peut être intentée qu’en cas de « risques graves et manifestes de sécurité, de santé ou de pollution à l’égard d’un bien immeuble voisin ». Il s’agit d’une délimitation stricte qui ne doit pas être prise à la légère.

 

Conclusion

« Mieux vaut un bon voisin qu’un ami lointain » implique l’importance de la tolérance à l’égard de son voisin. Cependant, il peut arriver que ce voisin dépasse les limites de ce qui est permis et la réclamation pour trouble de voisinage excessif peut alors être un bon recours.

 

Sources

  • SAGAERT, V., Goederenrecht, Mechelen Wolters Kluwer, 2021, 605-645.
  • VAN STIPHOUT, T., “Boek 3 “Goederen” van het nieuw Burgerlijk Wetboek – Burenhinder”, Notariaat 2021, 8-12.
  • Justice de paix Eeklo 20 mai 2021, NjW 2023, 664.

 

 

P.S. Les articles 3.101 et 3.102 du Code civil s’appliquent à tous les actes juridiques survenus à partir du 1er septembre 2021. Les conséquences des actes juridiques survenus avant cette date restent soumises à l’application de l’article 544 de l’ancien Code civil. Un article sur l’ancienne réglementation a également été publié dans le passé : https://legalnews.be/verbintenissen-goederen/burenhinder-studio-legale/

 

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Quelle est exactement la mission du juge en matière civile ? Quel est le champ de compétence du tribunal et qu’est-ce qui est laissé aux parties ? Cet article aborde les questions suivantes : l’autonomie des parties, les droits de la défense, les présomptions de fait et les dépens

Tout commence par l’autonomie des parties, également appelée principe du dispositif. Les parties déterminent les limites de l’affaire qu’elles portent devant le tribunal. Ce sont elles qui exposent leurs prétentions, rédigent les arguments qui les soutiennent et présentent les preuves. À son tour, le juge statue sur ce que les parties réclament, ni plus ni moins. Ainsi, le juge ne peut pas accorder plus que ce qui a été demandé (ultra petita). Il ne peut pas non plus s’abstenir de statuer sur un point de la demande (infra petita).[1]

  1. Application du droit aux faits

Le juge doit statuer sur l’affaire dont il est saisi conformément aux règles de droit applicables. Quels que soient les fondements juridiques sur lesquels les parties fondent leurs prétentions, le juge peut les compléter, les modifier, les remplacer.

Ce faisant, le juge doit respecter les conditions suivantes :

  • Ne pas soulever un motif que les parties ont exclu dans leur conclusion (c’est à dire dans leur prise de position écrite) ;
  • Ne pas modifier l’objet de la demande (c’est à dire le résultat que les parties espèrent obtenir) ;
  • Ne pas négliger les droits de la défense des parties ;
  • Ne pas se fonder que sur les éléments qui lui ont été régulièrement soumis.

La question se pose de savoir si le juge ne viole pas ainsi les droits de la défense des parties (article 6 de la CEDH). La Cour de Cassation a jugé à plusieurs reprises que les droits de la défense n’étaient pas violés si les parties pouvaient s’attendre – compte tenu du déroulement du débat- à ce que le juge reprenne les motifs juridiques dans son jugement et puisse ainsi les contredire[2]. Il semble (sans doute) approprié que le tribunal donne toujours aux parties la possibilité de prendre position sur des motifs juridiques nouveaux ou supplémentaires.

  1. Preuve

Il appartient au demandeur de prouver les faits ou les actes juridiques sur lesquels il fonde sa demande (article 8.4, paragraphe 1, du code civil). De son côté, la partie défenderesse qui s’estime libérée doit prouver les faits ou les actes juridiques qui la soutiennent (art. 8.4, deuxième alinéa du code civil).

Sauf disposition contraire de la loi, tous les moyens de preuve sont admissibles, notamment l’acte signé, les témoins, les présomptions de fait, les aveux et le serment (art. 8.8 du code civil).

La présomption de fait est un mode de preuve par lequel le juge déduit l’existence d’un ou de plusieurs faits inconnus à partir d’un ou de plusieurs faits connus (art. 8.1, 9° du Code civil).

Le juge ne peut adopter des présomptions de fait que si elles sont fondées sur un ou plusieurs indices sérieux et précis (art. 8.29, alinéa 2, du code civil). Par extension, le juge ne peut attacher aux faits établis aucune conséquence qui leur soit étrangère ou qui soit injustifiable sur la base de ces faits.[3]

En outre, les preuves doivent, bien entendu, être obtenues de manière licite. Toutefois, les preuves obtenues illégalement ne seront exclues que si elles affectent la fiabilité des preuves ou si le droit à un procès équitable est violé. Dans tous les autres cas, les preuves obtenues illégalement sont donc autorisées[4].  Pour ce faire, le tribunal tiendra compte, entre autres, de la méthode d’acquisition, de la gravité de l’illégalité, de son impact sur la partie adverse et de l’attitude de cette dernière.[5]

  1. Dépens

Conformément à l’article 1017, paragraphe 1, du Code judiciaire, le tribunal condamne la partie qui succombe aux dépens, en ce compris l’indemnité de procédure.

L’indemnité de procédure est une indemnité forfaitaire pour les frais et honoraires de l’avocat de la partie ayant obtenu gain de cause, en principe fixée au montant réclamé (art. 1022, 1er alinéa du Code judiciaire). Les montants de base, minimum et maximum ont été fixés par arrêté royal.[6]  A la date du jugement, le tribunal détermine le montant de base correct (indexé) et corrige d’office les frais de justice réclamés en plus ou en moins.[7] Ce pouvoir de correction ne porte pas atteinte à l’autonomie de la volonté des parties et au droit de la défense.[8]

Il est possible de s’écarter du montant de base s’il existe un motif ou une demande en ce sens (art. 1022 du Code judiciaire). Les parties peuvent également conclure un accord sur les dépens (art. 1017, premier alinéa du Code judiciaire).

Si une partie bénéficie d’une assistance juridique de deuxième ligne (« assistance pro deo »), le juge est en principe tenu de prononcer le minimum des dépens ou, moyennant une justification spéciale, de réduire le montant en dessous du minimum (art. 1022, quatrième alinéa du Code judiciaire).

Une mise à jour de la jurisprudence récente en matière de frais de justice suivra prochainement.

Conclusion

Vous venez de lire les principes de base que le juge doit respecter dans sa mission (très importante). Dans une prochaine contribution, nous traiterons spécifiquement de la mission du juge en cas de de défaut, c’est-à-dire lorsque la partie adverse ne se présente pas.

Si vous avez des questions après avoir lu cet article, n’hésitez pas à nous contacter à l’adresse [email protected] ou au 03/216.70.70.

 

 

[1] C. VAN SEVEREN, “Beschikkingsbeginsel vs. taak van de rechter“, (noot onder Antwerpen 1e k. 20 januari 2014), NJW 2015, nr. 314, 20; S. MOSSELMANS, Gerechtelijk recht. Artikelsgewijze commentaar met overzicht van rechtspraak en rechtsleer, I, partie I, chapitre I, Code judiciaire. art. 12-13, (5) 9.

[2] Cass. 5 septembre 2013, C.12.0599.N; Cass. 25 janvier 2021, AR C.19.0401.N, RDJP 2021/2, 72; Cass. 25 janvier 2021, AR C.20.0147.N, RW 2021-22, nr. 21, 1; Cass. 2 septembre 2022, RW 2022-23, nr. 9, 334; Cass. 19 octobre 2023, C.23.0094.N, RW 2023-24, nr. 16, 630.

[3] Cass. 16 septembre 2022, RW 2022-23, nr. 24, 947; Cass. 28 octobre 2022, RW 2022-23, nr. 24, 947.

[4] Cass. 9 novembre 2018, C.17.0220.N-C.17.0318.N.

[5] Cass. 14 juin 2021, AR C.20.0418.N.

[6]  Arrêté Royal du 26 octobre 2007 fixant le tarif des indemnités de procédure visées à l’article 1022 du Code judiciaire et fixant la date d’entrée en vigueur des articles 1er à 13 de la loi du 21 avril 2007 relative à la répétibilité des honoraires et des frais d’avocat, M.B., 9 novembre 2007, 56.834.

[7] Cass. 13 janvier 2023, RW 2022-23, nr. 30, 1180.

[8] Cass. 3 mars 2023, RW 2022-23, nr. 37, 1; Cass. 21 avrill 2023, RW 2023-24, nr. 3, 109.

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Jeudi 25 avril 2024


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