Pour éviter que chacun n’exerce son droit de propriété sans tenir compte de l’autre, la doctrine des nuisances excessives entre voisin a été élaborée. Il n’en reste pas moins que les voisins devront tolérer les nuisances ordinaires de la vie en commun de l’un à l’autre.
Depuis l’arrivée du Livre 3 du nouveau Code civil, la doctrine est consacrée par la loi, notamment dans les articles 3.101 et 3.102 du Code civil. L’article 3.101, §1er alinéa du Code civil dispose : « Les propriétaires voisins ont chacun un droit à l’usage et à la jouissance de leur bien immeuble. Dans l’exercice de l’usage et de la jouissance, chacun d’eux respecte l’équilibre établi en ne causant pas à son voisin un trouble qui excède la mesure des inconvénients normaux du voisinage et qui lui est imputable ».
Il existe théorie de l’équilibre, dans laquelle on utilise le régime de la responsabilité sans faute. En d’autres termes, les nuisances excessives doivent résulter des actes ou des omissions du voisin, sans qu’une faute soit requise.
En outre, il doit y avoir un voisinage entre la parcelle qui cause les nuisances et celle qui les provoque. Ils ne doivent pas être adjacents mais se trouver à proximité les uns des autres. Ni le demandeur ni le défendeur, dans le cadre d’une action pour troubles de voisinage, ne doivent avoir de titre de propriété sur les parcelles. Un droit réel ou un droit personnel sur un attribut du droit de propriété suffit (article 3.101, §3 CC).
Enfin, il doit s’agir de nuisances excessives. A défaut, il n’y a pas de déséquilibre entre les propriétés voisines. Le législateur a dressé une liste non exhaustive d’éléments que le juge peut prendre en compte pour apprécier le caractère excessif de la nuisance : le moment, la fréquence et l’intensité du trouble, la préoccupation ou la destination publique du bien immeuble d’où le trouble causé provient (article 3.101, §1er, alinéa 2 du Code civil). Surtout, le tribunal devra tenir compte des circonstances particulières de l’affaire.
Il est important que les juges de paix fixent effectivement des limites à l’exigence de la nuisance Cette exigence permet d’éviter que tous les voisins aigris se présentent devant le tribunal.
Le juge de paix d’Eeklo défend ce principe et critique les voisins aigris. Le 20 mai 2021, il a jugé que l’équilibre entre deux parcelles n’était pas rompu lorsque plusieurs nids d’hirondelles étaient suspendus sous les gouttières d’une maison voisine. Le plaignant invoquait des troubles de voisinage excessifs parce que les hirondelles survolent leur parcelle et que les oiseaux font parfois leurs besoins. Le juge de paix a estimé que les nuisances connues dues au survol des hirondelles étaient « nulles ». Il a déclaré : « On ne peut pas éviter qu’il y ait de temps en temps des fientes d’oiseaux dans leur cour. Il n’y a tout simplement pas de directives ou de règlements à ce sujet pour les créatures volantes ». Il conclut que le problème n’est pas la présence des hirondelles, mais l’intolérance des personnes vivant à proximité.
Si le juge de paix constate que l’équilibre est effectivement rompu, une réparation doit être accordée. L’action pour troubles de voisinage constitue une réparation légale et appropriée qui rétablit l’équilibre. Seule la nuisance excessive est indemnisée. Le tribunal décide laquelle des mesures suivantes est appropriée (article 3.101, §2 CC) :
– une indemnité pécuniaire pour compenser le trouble excessif ;
– une indemnité pour les coûts liés aux mesures compensatoires prises quant à l’immeuble troublé pour ramener le trouble à un niveau normal ;
– pour autant que cela ne crée pas un nouveau déséquilibre et que l’usage et la jouissance normaux de l’immeuble ne soient pas ainsi exclus, l’interdiction du trouble rompant l’équilibre ou des mesures, concernant l’immeuble causant le trouble, pour ramener le trouble à un niveau normal.
En outre, l’article 3.102 du Code civil permet également d’introduire cette demande par prévention, ce qui permet d’éviter tout déséquilibre. L’article 3.102 BW est libellé comme suit :
« Si un bien immeuble occasionne des risques graves et manifeste en matière de sécurité, de santé ou de pollution à l’égard d’un bien immeuble voisin, rompant ainsi l’équilibre entre les biens immeubles, le propriétaire ou l’occupant de cde bien immeuble voisin peut demander en justice que des mesures préventives soient prises afin d’empêcher que le risque se réalise »
L’action ne peut être intentée qu’en cas de « risques graves et manifestes de sécurité, de santé ou de pollution à l’égard d’un bien immeuble voisin ». Il s’agit d’une délimitation stricte qui ne doit pas être prise à la légère.
Conclusion
« Mieux vaut un bon voisin qu’un ami lointain » implique l’importance de la tolérance à l’égard de son voisin. Cependant, il peut arriver que ce voisin dépasse les limites de ce qui est permis et la réclamation pour trouble de voisinage excessif peut alors être un bon recours.
Sources
- SAGAERT, V., Goederenrecht, Mechelen Wolters Kluwer, 2021, 605-645.
- VAN STIPHOUT, T., “Boek 3 “Goederen” van het nieuw Burgerlijk Wetboek – Burenhinder”, Notariaat 2021, 8-12.
- Justice de paix Eeklo 20 mai 2021, NjW 2023, 664.
P.S. Les articles 3.101 et 3.102 du Code civil s’appliquent à tous les actes juridiques survenus à partir du 1er septembre 2021. Les conséquences des actes juridiques survenus avant cette date restent soumises à l’application de l’article 544 de l’ancien Code civil. Un article sur l’ancienne réglementation a également été publié dans le passé : https://legalnews.be/verbintenissen-goederen/burenhinder-studio-legale/